DÉCOUPER & COLLER : Raoul Hausmann (1886-1871)
L’art du photomontage commence dès l’invention de la photographie, vers le milieu du 19ème siècle, par la combinaison de négatifs, de double expositions et de diverses manipulations, voulues ou non, en chambre noire. Il prend ses lettres de noblesse en Allemagne avec le mouvement des dadaïstes et des pionniers comme Raoul Hausmann et Hannah Höch. En Russie le mouvement constructiviste participe aussi avec Alexander Rodtchenko et Lissitzky.
Raoul Hausmann (1886-1971)
Né à Vienne, le 12 juillet 1886, Raoul Hausmann est à la fois peintre, écrivain, sculpteur, photomonteur, photographe et un plasticien dadaïste surnommé « Der Dadasophe. En 1918, il crée le premier photomontage et se revendique l’inventeur de cette technique, invention certainement partagé avec Hannah Höch, également artiste plasticienne Dada et qui fut sa compagne.
A l’origine de cette invention Raoul Hausmann, durant un séjour passé dans la Baltique, aurait constaté dans un petit village de la région que chaque famille avait accroché au mur une lithographie représentant l’image d’un militaire en costume de grenadier sur laquelle était collée, à la place de la tête du militaire, un portrait photographique d’un membre masculin de la famille. « Ce fut comme un éclair, on pourrait, je le vis instantanément, faire des tableaux entièrement composés de photos découpés« .
L’indifférence créatrice de Raoul Hausmann
Raoul Hausmann est une figure incontournable du mouvement dadaïste. L’auteur Patrick Lhot retrace son parcours aux sources de Dada-Berlin dans un livre : L’indifférence créatrice de Raoul Hausmann.
« Le collage et le photomontage permettent de rompre avec la tradition de la banale peinture à l’huile. Surtout, la typographie et la forme des lettres inventent une nouvelle esthétique. Raoul Hausmann initie également la poésie sonore. Le bruit, les onomatopées et la prononciation de lettres doivent réinventer le langage. La poésie devient une machine sonore qui met en action le corps. « Le poème optophonétique entraîne mécaniquement le lecteur à moduler la voix automatiquement, en fonction de la gradation typographique et de la nature de la lettre (consone ou voyelle) », décrit Patrick Lhot. La bouche doit être reliée à tous les autres organes du corps. Le poème affiche apparaît comme une forme nouvelle pour « libérer le parler de l’esclavage grammatical, et en même temps donner libre cours à d’autres sonorités que le langage « logique »avait comme base d’expression phonétique et audible », précise Raoul Hausmann.
Le photomontage permet d’associer la photographie aux collages. Ce procédé doit rompre la linéarité et la continuité de l’image. Le cinéma qui renouvelle constamment l’image exerce cette même fascination. La sensation du contact entre les choses devient essentielle. Le discontinu, le superposable et l’interchangeable règnent alors dans ces collages. Un entrelacement d’énergie et l’expression de contrastes se donnent à voir. Le photomontage doit introduire de nouvelles perceptions, en dehors des conventions visuelles, pour diffuser un sens nouveau. »
Extraits Patrick LHOT – L’indifférence créatrice de Raoul Hausmann
Nombre de pages : 350
Prix TTC : 29 €
À la Foire Internationale Dada de Berlin en 1920 une affiche, parmi les collages, photomontages, constructions et objets clamait : « L’art est mort. Vive le nouvel art des machines de Tatline » Voir sur la photo ci-dessus cette affiche avec le texte en allemand : Die Kunst ist tot. Es lebe die neue Maschinenkunst Tatlines. Un peu plus loin dans la Foire on pouvait trouver le photomontage d’un jeune homme-machine intitulé : Tatline vit à la maison, (ci-dessous).
« Réalisé vers 1923, quand Dada-Berlin n’existe plus, ABCD est le dernier photomontage dadaïste d’Hausmann. Néanmoins l’artiste restera fidèle à ce procédé, fondé sur la déconstruction et la recomposition des différentes sources de l’image, jusqu’aux années soixante.
Plus encore que dans tous ses autres photomontages, l’image est ici disloquée et sa perception constamment entravée par des ruptures de plans suggérant des sens contradictoires. Le motif central, son autoportrait photographique, tient comme serrées entre les dents les quatre lettres du début de l’alphabet. La langue que, déjà dans ses poèmes-affiches et dans ses poèmes phonétiques, Hausmann a détruite, hachée et privée de son sens, s’imposant par son impact visuel, joue avec l’image et les dessins.
Autour de l’autoportrait, des papiers découpés dans des manuels médicaux, des éléments typographiques à chaque fois différents, des billets de banque tchèques, des allusions à une action Merz, réalisée aux côtés de Schwitters à Hanovre en décembre 1923 où il donna lecture de ses poèmes phonétiques, s’organisent selon plusieurs axes de composition. Mais de cette image, malgré le mot voce (voix en italien), aucun sens cohérent de lecture ne se dégage. Ce qui est à voir et ce qui est à lire ont la même importance dans ce photomontage où la notion de fond et de profondeur s’abolissent. Chaque motif se jouant à la surface de l’œuvre, dans l’immédiateté de l’ici et maintenant. Manifeste de l’esthétique du non-art, cri lancé en même temps à l’œil et à l’oreille du spectateur, ce montage où rien ne semble tenir en place proclame contre tout académisme l’insondable mouvement de la vie. »
Extraits du dossier DADA du Centre Pompidou-2005/2006
Une des œuvres les plus marquante de Raoul Hausmann est un assemblage, (c’est une œuvre en volume obtenue en collant divers objets), réalisé en 1919 et aujourd’hui exposé au Musée national d’art moderne à Paris : l’Esprit de notre temps ou Tête mécanique. Cet assemblage autour d’une petite tête de bois est une critique de la société, de « l’homme machine« . « Penser comme une machine« , tel était, selon Hausmann, le principal défaut de ses contemporains.